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De la Première Grande Loge de Londres a la formation du Rite français (partie 2/4)

L’INTRODUCTION EN FRANCE : Les Premières Loges Françaises

L’Angleterre et la France n’ont été en paix qu’entre 1713 et 1740 : une fenêtre de tir !

La Franc-maçonnerie arrive en France en 1726 à Paris, peut être un peu  avant (1721) à Dunkerque, avec les pratiques anglaises donc d’abord en deux grades etdix ou vingt ans plus tard en trois grades, Amenée par des Britanniques, diplomates, marins ou commerçants qui depuis 1713 et la fin de la guerre de succession d’Espagne et le traité d’Utrecht pouvaient revenir facilement sur le continent. 

En  France  les milieux éclairés et notamment le Régent, Philippe d’Orléans, qui présida aux destinées du Royaume  de 1715 quand mourrait  Louis XIV, jusqu’à la  majorité de Louis XV en 1723, étaient culturellement très anglophiles.

Les premières loges parisiennes sont ainsi créées par trois britanniques (dont Charles Radclyffe, comte de Derventwater) en 1726.

Trois marins anglais formèrent  une loge à Bordeaux en 1732 (« l’anglaise »), travaillant en Anglais qui essaima en 1740 (« la française fille de l’anglaise »)

Cette heureuse parenthèse au cours de laquelle Anglais et Français pouvaient échanger paisiblement se refermerait dès 1740 quand, par l’effet des coalitions, ils seraient à nouveau ennemis lors de la guerre de succession d’Autriche puis de la guerre de Sept Ans qui se conclura par la perte de l’essentiel des possessions coloniales françaises et le traité de Paris en 1763. Événement déterminant pour la pratique maçonnique aux Amériques selon le style « ancien » car diffusé par les émigrés initiés de la Grande Loge des anciens créée en 1751, mais c’est une autre histoire…

Tandis qu’en France les loges se développent et prospèrent par scissiparité, de proche en proche, d’abord à Paris et dans les grandes villes et dans les ports, en adoptant les usages de la première Grande Loge de Londres et de Westminster, celle qu’on appellera la Grande Loge des Modernes 

Pourquoi Grande Loge des Modernes ?

Avec  la création en 1751 de la Grande loge dite des Anciens des pratiques maçonniques différentes apparaissaient, sous la houlette de Laurence Dermott, à l’initiative de Francs-Maçons Irlandais émigrés à Londres. Ceux-ci furent fort mal reçus dans les loges londoniennes dont l’évolution aristocratique s’accommodait mal de ces pauvres catholiques qui tentaient de trouver à Londres une condition moins précaire que celle qu’ils avaient connues dans leur île d’origine fuyant notamment les famines de 1740 et 1741. 

Mais la franc-maçonnerie française et continentale en général ne subissait pas cette influence des « Anciens »

Ainsi la première pratique maçonnique en France est issue de la maçonnerie anglaise que l’on appellera en Angleterre, bien plus tard, dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, la maçonnerie des Moderns

L’ESPRIT FRANCAIS :

Les apports français au rituel anglais d’origine sont peu nombreux en ce qui concerne le texte.

Nous le savons grâce aux divulgations. Soit par diffusion plus ou moins malveillantes  comme celle de Prichard, franc-maçon déçu et probablement aigri voulant se venger ainsi, soit par l’effet de manœuvres policières  comme celle dirigées par en France par le cardinal de Fleury.

Ces divulgations ont été précoces et nombreuses tant en Angleterre qu’en France et c’est heureux pour nous car cela nous permet de connaître les rituels de l’époque qui n’étaient que manuscrits.

Ainsi le texte de « l’ordre des francs-maçons trahis », paru en France en 1745, est-il  très comparable à celui de « masonry dissected » de 1730 (Samuel Prichard) pour ce qui concerne les ouvertures, fermetures et instructions ainsi que les propos du Maître de la loge lors des cérémonies.

Cependant on note déjà quelques différences dans  l’esprit qui préside en France aux cérémonies :

Ainsi apparait, au delà d’une simple réception, l’idée d’initiation, au sens fort du terme, avec des épreuves initiatiques qui s’ajoutent. Ceci semble être la traduction du goût particulier des français, depuis le siècle précédant, pour les cultes à mystères de l’Antiquité tardive, les mystères d’Éleusis notamment, avec une forte imprégnation mystique, le silence de l’apprenti par exemple.  Ce goût particulier se développera tout au long du siècle selon un style un peu baroque avec l’apparition de crânes ou de squelettes et de sentences effrayantes dans le cabinet de réflexion créée pour constituer une   première épreuve, puis l’apparition d’autres épreuves, celles  du sang, du feu, de l’eau… il s’agira aussi parfois d’intégrer, en même temps que  leurs membres, les usages de confréries souvent fort anciennes (les pénitents en Provence, les « nobles jeux de l’Arc » dans le Berry)

Deuxième élément nouveau et remarquable, le port de l’épée, usage inconnu en Angleterre et qui fut le seul élément retenu comme choquant par la mouche, c’est ainsi que l’on dénommait à l’époque les espions, les informateurs, que le cardinal de Fleury avait envoyée s’enquérir de ce qui se passait dans les loges, craignant qu’elles fussent un repère de Jansénistes, perçus, non sans raison, comme une menace au pouvoir royal par leur soutien aux parlements.

Ce que d’autres divulgations ultérieures confirmeront : en 1763 les divulgations de Pincemaille à Metz ou encore en 1771 « le corps complet de la Maçonnerie » édité par une des factions issue de la Grande Loge (de Paris « dite de
France » après la mort du comte de Clermont, Louis de Bourbon-Condé, Grand-Maître de 1743 à 1771 à la suite du duc d’Antin.

LE REGULATEUR DU MACON : la fixation du Rite du Grand Orient de France

Le rituel que nous, francs-maçons membres d’obédiences de pratique traditionnelle, utilisons aujourd’hui est celui qui a été rédigé en 1785 par Alexandre-Louis ROËTTIERS de MONTALEAU et son équipe et imprimé près de vingt ans plus tard par BRUN sous le nom de « Régulateur du Maçon – 1801 », l’antidatant en 1804 pour augmenter l’effet de la force du fait accompli, car les autorités du Grand Orient restaient encore opposées à l’édition des rituels.

A quelques exceptions près cependant par rapport au texte de 1785 :

  • La chaîne d’union clôturait les travaux de table.
  • L’office de tuileur était effectif, celui de couvreur souvent assuré par l’expert.
  • Il n’était pas donné lecture du prologue de Jean.

Voyons maintenant comment ce canon du rite s’est formé.

En 1773, le Grand Orient succède à la Grande Loge de Paris dite de France (qu’il ne faut pas confondre avec l’actuelle GLDF fondée en 1894) sous la houlette de Montmorency-Luxembourg, duc et pair du royaume. C’est une véritable révolution : il impose une structure administrative, une véritable obédience au sens actuel du terme, qui gère et contrôle mais aussi soutient et représente les loges et ce prince de haut lignage donne pourtant à cette nouvelle organisation un fonctionnement  démocratique avec l’élection du Vénérable, tout en tolérant pour une période transitoire le maintien de la fonction de Vénérable à vie en usage dans les loges parisiennes.

La même année est créée la commission des rituels qui ne fait strictement rien pendant ses huit premières années d’existence. Aiguillonnée cependant par la demande renouvelée des loges, elle ne commence  à travailler un peu qu’en 1781 et produit ainsi trois choses qui restent toujours actuelles :

-les formules d’obligations c’est-à-dire les serments

-les questions aux profanes

-les sentences du cabinet de réflexion

Et rien d’autre !

En 1782 Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau, orfèvre, graveur puis directeur de la monnaie, arrive à la chambre des grades et en devient rapidement la cheville ouvrière organisant la rédaction des rituels, non seulement des trois premiers grades mais également des grades postérieurs à la maîtrise en les organisant en quatre ordres.

Ainsi en 1785 les trois grades sont rédigés et votés qui gardent les fondamentaux du rite des Modernes, écartant les innovations les plus grandiloquentes  (la ponction simulée du sang dans le cœur du récipiendaire par exemple) en validant quelques  autres (le calice d’amertume, les épreuves de l’eau, de l’air, du feu et celle du sang sous une forme moins violente) telles que nous les connaissons toujours aujourd’hui.

Nous devons quelques apports à la synthèse de Roëttiers de Montaleau :

-la sécularisation relative du rituel avec l’abandon des références bibliques ostensibles.

-quelques formules nouvelles comme « rassembler ce qui est épars »

-l’enrichissement du deuxième grade par  quelques références opératives.

Néanmoins ces rituels resteront manuscrits et diffusés par le Grand Orient en cahiers séparés pour  les officiers (cahier du Vénérable, de l’Architecte, du premier surveillant…) afin d’en éviter une diffusion trop facile…  jusqu’à la publication des rituels par Brun en 1804.

Puis vient la Révolution, les loges suspendent leurs travaux pour ne les reprendre que timidement en 1795, A.-L. Roëttiers  de Montaleau qui avait fort opportunément conservé les archives du Grand Orient est élu Grand Maître, sous le titre plus modeste et qu’il préfère de Grand Vénérable.

Le consulat puis l’Empire voit la Franc-maçonnerie placée sous la férule mais aussi sous la protection de Napoléon qui nomme Cambacérès puis  un de ses frères, Joseph, à sa tête  et impose son unité quand apparaît, venu des Amériques et des Antilles en 1804 le suprême conseil de Grasse-Tilly puis un rite concurrent pour les trois premiers grades à celui du Grand Orient, vers 1810 : le Rite Ecossais Ancien et Accepté.

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3 réflexions sur “De la Première Grande Loge de Londres a la formation du Rite français (partie 2/4)

  • Max HERVIOU-JUMENTIER

    C’est la version GODF : comme quoi l’Histoire est une fille publique qui se donne à qui l’écrit ! Il y avait déjà des loges jacobites en France avant l’arrivée des anglais. Le GO actuel n’est pas plus le GO de 1773 que la GLDF n’est celle de l’époque : il faut cesser ces chamailleries de CM1 ! Et le GO doit tout à l’Empereur qui lui a permis un hold-up sur la “Franc Maçonnerie Française” , rêve qui depuis ne le quitte plus. La seule chose importante est le travail en loge et la transformation intime qui s’y opère (quand on travaille !). Il y a de très bons auteurs qui font des recherches sérieuses et véritablement historiques en dehors de ceux qui font les plateaux de Télé. Et la Vérité est beaucoup plus nuancée que ça et surtout en perpétuelle évolution au fur et à mesure de la découverte de nouveaux textes.

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  • Cher monsieur,
    La maçonnerie jacobite qui aurait été introduite en France par la cour en exil à Saint Germain en Laye est vraisemblable mais rien n’en atteste et elle n’a pas laissé de trace tangible et identifiée dans les pratiques maçonniques en vigueur sur le continent.
    Si vous disposez d’éléments substantiels à ce sujet vous participerez, bien au-delà “des chamailleries de CM1” qu’illustre parf à notre édification commune en rejoignant ainsi, je vous le souhaite, “les très bons auteurs qui font des recherches sérieuses”.
    Déjà bien avant le célèbre Robert Moray, initié en 1641, voyageait beaucoup entre la France et les îles britanniques. Il avait servi dans les Gardes écossaises dès 1633 sous Louis XIII et en deviendra le colonel. Il reviendra à Paris en 1655 puis en 1659 pour préparer, avec Charles II la restauration monarchique. (Alexandre Robertson, The Life of Sir Robert Moray, Soldier, Statesman and Man of Science (1608-1673), Londres, Green and Co., 1922) Mais pour autant rien n’autorise pour l’instant, mais vous aller peut-être nous apporter des éléments nouveaux, à affirmer l’existence d’une maçonnerie jacobite qui aurait prospéré avant, ou à côté, de la maçonnerie apparue en France dans les années 1720.

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  • Max HERVIOU-JUMENTIER

    Mon TCF

    Après 30 ans de maçonnerie je suis excédé de voir toutes les obédiences (et pas seulement le GO) tout ramener à leur nombril, s’approprier le mérite de frères dans lequel elles n’ont pourtant aucune partie et traiter l’histoire à leur sauce. Ceci dit, il est toujours bon de rappeler que les trois premiers degrés sont “anglais” d’origine quel que soit le rite, même si certains les ont accommodés avec leurs propres épices.De même, il n’est guère de HG qu’écossais.

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