ArticlesPhilosophique & Sociétal

Réactions aux manquements profanes

« Espérance, confiance et joie »

Cette confiance, cette espérance, et cette joie que nous pratiquons dans nos temples, nous sont parfois refusées dans le monde profane. Comment réagissez-vous à ces manquements de la part de l’autre : indifférence, colère ? Ou bien : pardon, oubli, les deux, l’un des deux… ?

La question qui intéresse dans ce sujet est le pardon. Chacun de nous a été « victime » d’une « faute ». Employons des guillemets car parler de faute et de
victime, c’est déjà donner sa vision de la chose. Il faut laisser la part à l’erreur de jugement, celle qui fait que l’on se sent victime d’un acte alors que cet acte n’était guidé que par de bonnes intentions. De même, vu à l’amont du sujet, ce qui apparait comme une faute peut n’être qu’une maladresse, une
incompréhension…. Bref, c’est toute la question de la subjectivité qui tient une place immense dans ce domaine.
Revenons à la question. Simple. Nous avons tous subi une action qui nous a agacé, énervé, perturbé, peiné, blessé. Cela peut aller du vol d’un bonbon par un copain à la maternelle, jusqu’à un manque d’empathie, une tromperie, un abus de confiance, un mensonge, des propos secrets divulgués…. On
pourrait en remplir des pages en recopiant le code pénal ou le recueil des bonnes manières, l’inventaire est infini, comme le nombre de sujets de mauvaises conduites.
La question posée est simple est toujours la même : vous êtes le sujet passif de ce que vous jugez être une faute qui vous blesse. Comment réagir ?
Éliminons d’emblée l’oubli car l’oubli ne se décrète pas. Il est ou n’est pas, ça se passe dans la tête de chacun, c’est uniquement fonction de la capacité mémorielle de chacun. On ne peut pas décider d’oublier, on peut le dire, mais c’est faux car on ne peut pas effacer volontairement de sa mémoire un
évènement. Seul notre cerveau peut s’en charger. Il efface hors notre volonté … et avec l’âge, de plus en plus.
En revanche on peut décider de pardonner.


D’abord, qu’est le pardon ? 
Définition classique : « c’est l’action de tenir pour non avenue une faute, une offense, de ne pas en tenir rigueur au coupable et de ne pas lui en garder de ressentiment ». L’origine du mot pardon est intéressante et, comme souvent, l’étymologie donne des éléments de réponse. Pardon vient de
perdonare, en latin (per-donare). Il s’agit du don que l’on fait de son droit au ressentiment après avoir été la victime d’une offense. On fait cadeau de notre peine au fauteur. 


Maintenant que nous avons été lésés et que la vague initiale d’émotion est passée, nous sommes confrontés à un nouveau défi : allons-nous pardonner à cette personne ? En pardonnant, allons-nous abandonner nos griefs et notre rancœur pour nous permettre de guérir ?
Pardonner a certainement des effets très concrets, fin de l’anxiété, de la dépression, du chagrin, de toutes les conséquences physiques du traumatisme subi. Bien qu’il n’y ait que bénéfices à pardonner aux autres, en pratique, le pardon peut sembler impossible. Pour cela, on doit mieux comprendre ce
qu’est le pardon. Et peut-être commencer par dire ce qu’il n’est pas. Pardonner ne veut pas dire excuser, le pardon n’entraine pas l’obligation de dire à l’intéressé que je lui pardonne, que je n’ai plus rien à régler avec lui, ni que je suis obligé de continuer à avoir des relations avec lui. En fait pardonner c’est accepter la
réalité de ce qui s’est produit et trouver un moyen de vivre en paix avec cela. 
Le pardon n’est pas quelque chose que je fais pour la personne qui m’a fait du tort. C’est quelque chose que je fais pour moi uniquement, et tant pis pour l’étymologie. Je ne veux pas laissez cet événement me gâcher la vie. Alors si pardonner est quelque chose que je fais pour moi-même et que cela m’aide à
guérir, pourquoi est-ce si difficile ?
Tout simplement parce que pardonner demande un effort. Parfois, la blessure est trop profonde, ou bien l’autre personne a trop abusé de la situation et n’en éprouve aucun regret. Difficile alors de trouver la force. Ainsi, il ne sert à rien d’essayer de pardonner à quelqu’un sans avoir identifié, ressenti, exprimé et relâché colère et douleur.


Comment y arriver ?
D’abord prendre du recul sur la situation. Est-il possible de pardonner un tel acte, ou bien est-ce une chose à laquelle je ne penserai plus d’ici un mois ? Repenser à la personne en question. Dans la situation je l’imagine comme un monstre. Pourtant, n’y a-t-il pas des moments où j’ai eu avec elle des conversations amusantes ou intelligentes ? Des moments où nous nous sommes mutuellement rendu service ?
Il faut repenser aux bons moments. Peut-être verrons-nous alors que les bonnes actions dépassent les actes qui nous ont blessé ? Peut-être faudra-t-il en parler avec quelqu’un de confiance, avec quelqu’un dont on apprécie l’opinion ? Manière de ne pas garder pour soi des sentiments négatifs. Pas facile.
En revanche, plus facile, il est certainement nécessaire de laisser la situation se tasser un peu. Un aspect très important pour pouvoir pardonner, est de nous laisser du temps pour penser. 
Cela permettra de ne pas réagir dans le feu de l’action, et faire quelque chose que nous regretterons. Le temps permettra peut-être de voir l’autre différemment et comprendre peut-être ses motivations. L’excuse aidera alors le pardon à s’installer. Et puis il y a certainement des personnes plus aptes au pardon, on dit de ceux-là qu’ils ne sont pas ou peu rancuniers. Alors, dans quelle catégorie suis-je ? J’ai plutôt tendance à dire que je ne suis pas rancunier, mais en y réfléchissant, je constate qu’il y a une variation de ma propension à pardonner selon les domaines. Social, familial, maçonnique, sentimental, professionnel…autant de domaines dans lesquels, en écrivant ces lignes, je me rends compte, sans rien dévoiler, que ma facilité à pardonner est presque totale en matière familiale, elle est pratiquement nulle en matière professionnelle.


Et puis quoi, on a le droit de ne pas pardonner, à chacun de voir, selon les circonstances. L’idéal serait peut-être de rester indifférent. Et si on n’arrive ni à pardonner, ni à pratiquer l’indifférence, il restera toujours la colère, la vengeance qui soulagent vraiment. Et puis, au fond, une bonne et saine colère n’entraîne-t-elle pas un apaisement qui pourrait conduire au pardon ? Oui, mais colère et vengeance sont souvent suivies de ressentiment et de tristesse….  Pas simple tout ça. Serai-je pardonné de tourner en rond ? Me pardonnerez-vous de ne pas conclure ?

Visits: 187

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *