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Les textes fondateurs, 1ère partie : Les anciens devoirs

Il y a quelques semaines, au détour d’une discussion anodine avec le très populaire et ô combien talentueux frère Hervé Lecoq, ce dernier me faisait remarquer avec justesse que peu d’initiés connaissaient la question des textes fondateurs de la franc-maçonnerie. Pour tout vous dire et avec franchise, il n’avait pas tort !

Je me suis donc convaincu qu’un travail concis de vulgarisation permettrait tout de même de nous rafraîchir la mémoire … voire de la lester d’une pierre supplémentaire. Dans cette mini-série qui débute donc, nous allons faire le tour des sept documents fondateurs : les anciens devoirs, les statuts Shaw, le manuscrit d’Édimbourg, le manuscrit Sloane pour ce qui est de la partie antérieure à la première grande loge, puis des constitutions d’Anderson, le manuscrit Graham et enfin le discours de Ramsay pour ce qui est des textes post 1717.

Épisode 1 : Les anciens devoirs

Ce que nous avons l’habitude d’appeler les Old Charges sont une série de documents anglais (environ cent trente) écrits entre le XIVème et le XVIIIème siècles précisant le fonctionnement des corporations de bâtisseurs (maçons opératifs) et surtout, ils présentent et décrivent le mythe fondateur du métier.

Fin XIVème siècle, apparaissent deux premiers documents le Manuscrit Régius (datation 1390) qui se trouve être un poème et le Manuscrit Cooke (1410).

Le Régius, de son nom authentique Manuscrit Halliwell, comme précisé ci-dessus, est un poème en trois parties et 794 vers ! La première partie se focalise sur l’histoire du métier de maçon opératif. La seconde partie détaille les devoirs de ce dernier et enfin la troisième partie clarifie la pratique morale de l’initié.

Le Régius aborde l’art de géométrie sous un axe Euclidien en situant son origine géographique aux bords du Nil. Il date l’apparition du métier dans le Royaume Anglo-Saxon à la période du Roi Athelstan (925-939) et impose au compagnon de devoir “aimer Dieu et la sainte Église”. Les articles sont suivis de points apportant ou développant les obligations entre toutes les parties prenantes. Pour exemple, le troisième point définit l’obligation du secret du métier à chaque bâtisseur, lequel s’il venait à trahir son serment serait sanctionné du déshonneur. L’article quatre renforce ainsi ce dernier point en mettant en garde contre “la trahison”. Enfin, l’article six aborde la nécessité du dialogue en cas de conflit et à défaut l’intervention de ce qui se rapprocherait le plus d’une chambre du milieu en cas de conflit persistant.

Vers 1410 apparaît le Manuscrit Cooke qui est rédigé en prose et long de 960 lignes. Il reprend les textes du Régius mais y incorpore des ajouts bibliques et patristiques. Il s’articule notamment autour du récit de la construction du Temple de Salomon. Plus encore, le Cooke définit les devoirs en neuf articles de neuf points dont par exemple l’invocation à Dieu, impose de prêter serment, l’éloge de la géométrie comme base du métier de Maçon dont il fait remonter les origines à l’Égypte des pharaons et un exposé sur les Arts libéraux c’est à dire l’enseignement des lettres latines et des sciences de l’Antiquité. Ainsi on y découvre les deux colonnes associées aux langages Pythagoricien.

C’est d’ailleurs ce dernier document qui servira principalement de modèle lors de la rédaction des Anciens devoirs mais pas exclusivement. Cent cinquante ans après le Cooke, en 1583, un manuscrit nommé Grande Loge n 1 reprend les grands points de ses prédécesseurs mais va les décliner en plus de cent trente versions différentes et parfois tout bonnement contradictoires. C’est notamment dans ces ersatz successifs que vont progressivement apparaître les préceptes de morale religieux principalement chrétiens.

Pour résumer les neuf articles, le premier aborde l’obligation de compétence et de loyauté, il définit la question des salaires. Le second article aborde les rassemblements. Les articles trois, quatre, cinq, six définissent la relation et collaboration entre Maître et Apprenti. Enfin l’article huit aborde la question d’obligation de savoir, de connaissance du compagnon et l’article neuf l’exclusivité de la mission du compagnon. Ces neuf articles sont suivis de neuf conseils de Seigneurs régissant les règles de courtoisie que chaque bâtisseur engagé se doit de respecter et principalement vis-à vis de l’entourage familial (féminin) de l’employeur ! Certaines obligations ne coûtant rien à être rappelées !

En conclusion ce rituel anglais et anglican va structurer et régir l’Ordre opératif. Il va perdurer jusqu’à 1637 et la création par des Écossais, calvinistes et presbytériens du Rite du mot de maçon dont la franc-maçonnerie s’inspirera pour se restructurer lors de la réconciliation et notamment grâce à la rédaction du tout jeune Rite Émulation (1816). (Voir l’article “Au commencement était le mot de maçon“).

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Alexis AT

Français expatrié à Moscou *** Grand Inspecteur National en charge du développement Europe de l'Est @ GLTF

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