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La fraternité

La notion de « Fraternité» a une double histoire : étymologique et sociologique.
Du côté de l’étymologie, il semble qu’il faille remonter au vieux sanscrit pour voir apparaître le terme «bhratar » avec le sens de « frère» au sens large de parent proche. Ce serait cette racine sanscrite que l’on trouve dans la Grèce antique, au travers du terme «phrater», membre de la phratrie.
Selon une autre source, mais qui rejoint cette première, le sens originel du mot fraternité viendrait du latin « fraternitas » qui fait référence à la relation entre frères ou encore entre peuples. La fraternité servant à désigner alors le sentiment profond de ce lien et comportant une dimension affective.
La fraternité peut avoir un sens plus ou moins large, on peut parler de fraternité pour une fratrie, ou encore de la fraternité d’armes qui unit des combattants (mon passé militaire a fait que, sans avoir combattu les armes à la main stricto-sensu, j’ai néanmoins mené d’autres types de combats et traversé certaines épreuves où j’ai pu mesurer cette fraternité…), pour aller jusqu’au sens le plus large de fraternité universelle, qui s’exprime surtout dans l’idéal philosophique du Cosmopolitisme.


Au sens commun, cette notion sert à désigner un lien de solidarité et d’amitié entre les humains. Il est utilisé dans le premier article de la déclaration universelle des droits de l’homme : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Le terme fraternité apparait ainsi pour la première fois dans les textes fondateurs de la France en 1848 à l’article IV de cette constitution : «Elle (la République française) a pour principe : la liberté, l’égalité et la fraternité.»
La fraternité est un terme clé de la Révolution française : «Salut et fraternité» était le salut des révolutionnaires de 1789; mais ni la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni la Constitution de 1791, ni la Constitution de l’an I (1793), ni même toujours la Charte de 1830 ne citent la fraternité. La première mention officielle du terme n’apparait par conséquent qu’en 1848. C’est un terme qui, au même titre que la liberté et l’égalité, est inscrit en lettres capitales sur les frontons des mairies et des écoles. Partie intégrante de notre devise nationale, la fraternité est un principe républicain.


Sans lui, les deux premiers ne seraient qu’une simple juxtaposition. Il exprime la trinité. Comme le nombre « trois » réunit les nombres « un » et « deux », au premier abord inconciliables, voire opposés ; la fraternité réunit dans sa signification la liberté et l’égalité. La liberté seule n’induit pas la fraternité.
Dans sa conception la plus absolue, elle est inconciliable avec la notion d’égalité. L’égalité n’induit pas non plus la fraternité. On peut même considérer que l’égalité, évidemment d’autant plus si elle est contrainte, altère la liberté. Tel le chiffre « trois », la fraternité est la synthèse nécessaire des deux autres pour retourner à l’unité. La fraternité n’est pas la simple juxtaposition des deux autres concepts. Elle en est la fusion complète.

Mais au fond….. qu’est-ce que la fraternité ?
« C’est la politique de la main tendue, du rejet à l’heure des tentations de repli sur soi, des pulsions identitaires, à l’heure où notre société souffre de fractures sociales avec des inégalités de plus en plus fortes mais également de fractures culturelles se cristallisant autour des religions mais aussi des races. L’actualité est là pour nous en apporter la dramatique preuve…
Le progrès rend ce besoin de fraternité très important, car si de nos jours, la téléphonie mobile, le courrier électronique, la mobilité des images et des écrans ne créent pas de liens, ils rendent la solitude supportable et peuvent finir par enfermer chacun de nous dans sa solitude surinformée. Par besoin les Hommes cherchent à tout prix à recréer du lien. L’idéal de fraternité énoncé par la doctrine chrétienne, loin de s’étendre à tous les hommes, tend à ne se réaliser qu’en vase clos, au sein des premières communautés religieuses. Dans le monde laïc, l’on assiste alors au développement de «Fraternités» telles celles des Rose-Croix, des Corporations de maçons constructeurs et de chevaleries de divers ordres.


D’un point de vue maçonnique, la fraternité est représentée par l’ensemble des maçons et par la loge elle-même considérée comme une seule entité. Comme l’équerre du Vénérable est la synthèse des bijoux des premier et deuxième surveillant, la fraternité est la synthèse de la liberté et de l’égalité. Je pense
que l’on peut voir une certaine correspondance entre les trois mots de la devise républicaine et les éléments symboles des trois voyages effectués dans le temple, lors de l’initiation La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique fondé sur la fraternité. Les textes constitutifs insistent sur ce point.
Les Constitutions d’Anderson, par exemple, posent comme règle fondamentale : « vous cultiverez l’amour Fraternel qui est la base, la pierre angulaire, le ciment et la gloire de notre confrérie ». De même, les principes généraux de notre Ordre précisent : « La Franc Maçonnerie à pour devoir d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens Fraternels qui unissent les Francs Maçons sur toute la surface du globe. »
La Fraternité maçonnique, telle qu’elle est dévoilée lors de l’initiation, constitue une invitation au travail à faire sur soi et entre soi, qui encourage le néophyte à grandir, et à devenir meilleur pour soi-même et pour les autres. En outre, le simple fait de décréter la fraternité entre les membres d’une loge et de le répéter à chaque tenue, crée ipso facto ce sentiment dans l’inconscient car, à l’inverse de l’amitié, la fraternité est décrétée. On ne choisit ni sa famille, ni les frères de sa loge. Que ce soit dans l’univers familial ou dans la Franc-Maçonnerie, il s’agit bien d’un état de fait et non d’un choix précis. C’est l’une des particularités de la Franc Maçonnerie, elle crée une famille.

Ainsi au même titre que l’on ne choisi pas sa famille natale, je n’ai pas choisi mes Frères maçons, mais j’ai librement choisi d’être maçon.
Ainsi donc la Fraternité n’existerait que par décret, besoin psychologique, etc . Tout ceci est d’une extrême froideur, à l’inverse même du sens du mot.
La raison de ce paradoxe est que la Fraternité ne s’écrit pas, même oralement. La Fraternité cela se vit, c’est de l’affection, de la solidarité. C’est l’émotion partagée lors de la chaîne d’union. C’est aussi le geste que nous faisons pour le tronc de la veuve. C’est appeler un Frère que l’on pourrait aider. C’est abandonner nos métaux entre nous, nous montrer tels que nous sommes, sans cacher nos faiblesses, protégés que nous sommes par la fraternité des autres. La fraternité débute par l’acceptation inconditionnelle de l’existence de l’autre.


Fraternité, Amitié, Amour de l’autre.
Pour moi, ces mots évoquent des sentiments d’affection profonde mais ayant toutefois des sens différents :
Nous ne sommes pas ami avec nos frères et nos sœurs. La fraternité se suffit à elle-même.

En quoi la fraternité est-elle différente de l’amitié ?
Au sens littéral la fraternité vient du concept « Fils d’un même père », cependant c’est souvent le socle des valeurs communes qui va déterminer la solidité de la fratrie. Dans la Franc Maçonnerie, nous avons également le même « Père », Le Grand Architecte de l’Univers, et nous développons également un socle de valeurs communes. Ces valeurs communes, qui fondent notre fraternité, sont : le respect, la tolérance, l’affection, l’écoute, l’humilité, la charité, la bienveillance, la bonté, la justice, l’humanité, la solidarité, et j’en oublie encore beaucoup…
Le fait de devenir un maillon d’une immense chaîne de Frères inconnus procède d’une toute autre démarche que le développement d’une amitié selon les hasards de la vie. L’amitié est le fruit d’une sympathie réciproque, elle résulte d’un libre choix, elle est élective, restrictive et réversible. Au contraire de la fraternité qu’elle soit de sang ou d’initiation, laquelle est contraignante et irréversible. La fraternité met en œuvre les facultés les plus nobles du cerveau, du cœur, de la volonté et forme un lien naturel intellectuel et affectif entre tous les hommes de la grande famille humaine.


Les fraternités profanes réussies sont faites de sympathie, de camaraderie, d’amitié, d’élan du cœur. La fraternité maçonnique, est autre chose. C’est une fraternité initiatique, à base de symboles, de rites, de traditions, s’inscrivant dans une perspective de bâtisseurs d’un monde meilleur (la construction du Temple de l’Humanité). Corps spirituel, la Loge offre et bâtit une fraternité initiatique fervente se vivant bien plus intensément que les fraternités profanes.

La Fraternité qui éclaire et anime les temples maçonniques possède plusieurs spécificités :
La Fraternité du Cœur, pour une empathie sincère et une sympathie sans arrières pensées.
La Fraternité de l’Esprit : la recherche de la vérité, à partir des débats et de l’échange des convictions, acceptées dans leurs diversités.
La Fraternité de l’Imagination, à travers l’étude des symboles, et enfin la Fraternité du but commun, celle d’œuvrer en tout lieu au progrès de l’Humanité.
La Fraternité maçonnique est mise en œuvre grâce à tout ce que nous offre le rituel :
Le Serment : Acte libre et réciproque, comportant le double engagement du nouvel Initié et de celui de ses Frères à son égard.
Le Pavé Mosaïque : Dualité et ambivalence entre Frères, Abel et Cain, compétition / solidarité, Hostilité et Amour. Ferment de la tolérance, le Pavé Mosaïque nous montre que les contraires peuvent co-exister sans s’altérer.

La chaîne d’union, régénère, revivifie, et ressuscite la Fraternité. Par l’action concrète des Frères de se lier mains nues. Elle perçoit avec force la conscience de notre humanité dans ce qu’elle a d’impérissable et d’éternellement transmissible. C’est également un moment de méditation qui permet de faire percevoir aux Francs-Maçons leur appartenance à une totalité qui les dépasse infiniment dans le temps et dans l’espace, autrement dit la dimension spirituelle de notre Ordre.
Equerre et Compas, maillet et ciseau, outils indissociables, qui permettent à l’apprenti de forger son esprit et tailler régulièrement sa pierre brute, pour accéder à la fraternité universelle.

Perpendiculaire – Niveau
La perpendiculaire sert à l’équilibre dans la verticale, le Niveau intervient dans l’horizontale. La Perpendiculaire, tel un fil à plomb, nous donne la verticale. Verticalement pour élever son esprit et verticalement pour descendre dans notre Ame et regarder à l’intérieur de nous même.
Le niveau sert à égaliser, à voir si un plan est horizontal et à déterminer les différences. Il aplani la mise en œuvre correcte des connaissances, sans pour autant niveler les connaissances


Enfin, la Fraternité, ce n’est pas seulement donner ce que l’on a, c’est avant tout offrir ce que l’on est.

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Jean-Baptiste Kléber

www.jeanbaptistekleber.com

Une réflexion sur “La fraternité

  • Jean Felicien Andrianaivosoa

    Merci de m’avoir accepté..

    Répondre

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