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Introspection

Il y a autant de destins individuels que de francs-maçons, un objectif commun doit toutefois nous rassembler : le perfectionnement de soi-même, fondement du processus initiatique. 

Alors qu’il n’est encore que néophyte, celui qui entre dans le cabinet de réflexion est interpellé par le terme V.I.T.R.I.O.L : Visite l’intérieur de la Terre, en (te) rectifiant tu découvriras la Pierre Cachée. 

Visite l’intérieur de la Terre ! La démarche se limite t-elle aux quelques minutes passées dans le cabinet de réflexion ? Évidemment non, mes FF. Ce sera le travail de toute une vie de maçon, commencé dès avant l’initiation, et jamais achevé. La Terre signifie ici la matière première avec laquelle l’Homme est façonné. En retournant à cette terre, le maçon se questionne, s’examine. 

Ainsi commence l’essentielle introspection, thème de cette planche. Et il ne s’agit plus seulement de méditer sur sa vie passée. L’enjeu est de retourner à sa propre source, de revenir à ses fondamentaux : une confrontation avec soi-même, avec pour finalité la révélation de soi-même. 

Le secret maçonnique est en chacun de nous, c’est aussi le secret du moi, et qui peut rester secret jusqu’à la fin d’une vie, si l’on ne parvient pas à visiter l’intérieur de la terre. 

Mais comment faire, et que va t-on aller chercher au plus profond de notre for intérieur ? On a souvent écrit que Franc-maçonnerie et psychanalyse sont deux écoles de redressement de l’humain. Or, on retrouvera, dans l’introspection, des fondamentaux de la psychanalyse. L’introspection est à la rencontre des facultés intellectuelles et affectives. 

La découverte de soi qui mène à sa propre connaissance relève de l’émotion d’un plongeon au plus profond de soi, par l’analyse de notre conscience, et par l’examen de notre propre volonté pour identifier les obstacles qui empêchent la lumière d’atteindre notre conscience, et finalement porter notre conscience vers des états supérieurs. 

Notre volonté, qui est à la fois consentement et persévérance, permet la concrétisation de l’activité qui nous anime et nous stimule. Examiner notre propre volonté, c’est avant tout lui ouvrir la voie, la libérer, et ainsi ouvrir le domaine du possible, participant à une création de nous-même. 

Ainsi apparaît la finalité de l’introspection. Otto Von Bismarck a écrit “Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va car il ne sait pas où il est”. Tout devient alors plus clair : c’est seulement par la connaissance profonde de lui-même que l’Homme peut entreprendre sa métamorphose et finalement devenir celui qu’il est vraiment, l’être vers lequel il tend. 

Finalité fondamentale, car elle est au cœur de notre démarche maçonnique : en rectifiant tu découvriras la Pierre Cachée. L’introspection est ainsi la principale voie de la rectification de l’homme, du maçon, qui améliore ses imperfections pour une approche de l’idéal, de la perfection. 

Et selon son rang, son grade et ses qualités, le maçon utilisera les signes, symboles et outils, qui loin de toute abstraction, se révéleront concrètement outils d’interprétation, outils de compréhension, outils d’amélioration, outils de perfectionnement. 

Conscience, volonté. Intellectuel, affectif. Mais ne manque t-il pas encore, dans ce retour à la source de nous-même, une dimension essentielle ? Devant vous mes FF, dans cette Loge intégrée à une obédience régulière, j’ai ici la liberté – retrouvée !- de placer au cœur de ce parcours la dimension spirituelle. Qui n’a pas d’ailleurs lu, entendu ou même dit que la franc-maçonnerie du XXIème siècle serait spirituelle, ou ne serait pas ?

L’énergie, le moteur de cette démarche d’introspection, c’est bien la foi, en tant que croyance qui incite à trouver la force de découvrir le sens caché de l’existence ! La foi, qui nous donne aussi la ressource, en formant un trait d’union entre conscience et volonté. Ainsi se dévoile le triptyque de l’introspection, à la fois intellectuelle, affective et spirituelle. 

Retourner à la source de nous-même, c’est aussi retourner à la source de tout ce qui est, de ce qui nous a été donné. Chaque individu est une émanation de l’absolu. En prenant conscience de notre fonction spirituelle, nous prenons alors notre part de la vérité universelle, et nous nous relions à l’universel. C’est en taillant la Pierre Brute à l’aide du ciseau et du maillet que nous nous efforçons de lui donner une forme qui lui permette de s’intégrer dans l’édifice universel. 

Selon Saint Augustin, le processus d’introspection (il emploie exactement ce terme) correspond à un mouvement d’ascension vers Dieu en même temps qu’à un examen de conscience. À travers cette démarche spirituelle, notre conscience ainsi questionnée devient lumière, et éclaire la nuit de notre intériorité. 

Naturellement, ce long processus d’introspection sera parsemé d’embûches, et connaîtra bien des obstacles, au premier rang desquels se trouve notre propre résistance intérieure, qui cédera plus ou moins selon l’effort entrepris dans cette plongée en soi. 

Dès le jour de notre initiation, le symbole du miroir qui nous est présenté nous invite à contempler notre moi profond, mais nous met surtout en garde contre cette résistance intérieure, avec ces paroles que nul ici n’a oublié : “Ce n’est pas toujours devant soi qu’on rencontre des ennemis. Les plus à craindre se trouvent souvent derrière soi. Veuillez vous retourner”. 

Il convient d’identifier et de combattre ces barrières que nous nous fixons : s’il existe autant d’exemples que d’individus, citons seulement notre complaisance, notre narcissisme, certaines images erronées mais rassurantes destinées à calmer nos angoisses, notre propre définition de nous-même, parfois totalement faussée, mais à laquelle nous sommes attaché. Enfin, la comparaison aux autres, les modèles extérieurs, les exemples qui nous éloignent de notre vérité… 

Mais si la finalité est toujours devant nous, si la perfection est impossible, la démarche d’introspection est raisonnable, réalisable, et nécessaire. Nous l’avons commencée, dès nos premiers pas en maçonnerie, ou parfois longtemps avant. Dans le déroulé de nos existences, ce chemin est sans doute un des plus ardus à parcourir, et requiert persévérance, patience et discipline.

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Jean-Baptiste Kléber

www.jeanbaptistekleber.com

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