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De l’Ordre Symbolique Humain (partie 2/2)

Suite de l’article

Les zones érogènes du corps

La science psychanalytique[3][4] nous a appris que l’organisme humain est sous la gouverne d’un certain nombre de zones érogènes. Par zones érogènes il faut entendre les parties du corps qui sont particulièrement investies par l’énergie psychique, c’est-à-dire par la libido. Ce sont les zones orale, anale, urétrale et génitale. Au cours du développement psychosexuel de l’enfant, la libido se fixe, en effet, successivement sur les extrémités supérieure et inférieure du tube digestif, sur l’orifice de l’excrétion urinaire et sur les organes assurant la fonction de reproduction. Ainsi, il est admis aujourd’hui que le fonctionnement de l’organisme humain obéit d’abord au primat de la fonction de nutrition (solide, liquide, gazeuse et affective), puis au primat de la fonction d’excrétion et enfin, au primat de la fonction de reproduction, comme si les processus vitaux étaient principalement orientés d’abord vers la conservation de soi, puis vers la conservation de l’espèce. Le premier temps est un temps d’incorporation allant du milieu extérieur vers le milieu intérieur ; le deuxième temps est un temps d’expulsion, de rejet, allant de l’intérieur vers l’extérieur ; enfin, le temps génital est un temps féminin pour l’être qui incorpore et un temps masculin pour l’être qui expulse et ensemence. Cependant, cette conception du développement psychosexuel s’accompagne aussi d’une évolution morale et sociale dans la mesure où les impulsions naturelles de l’enfant sont inhibées par l’intégration de la loi de l’interdit de l’inceste et l’angoisse de castration, obligeant l’enfant à s’orienter vers les autres, plutôt que vers les personnes de son entourage familial, en réprimant ses tendances hostiles ou sexuelles. Notre propos n’est pas d’approfondir les quelques notions qui viennent d’être exposées. Il s’agit pour nous, en réalité, d’établir une correspondance entre les notions psychanalytiques et le symbolisme. La quaternité des principales zones érogènes du corps humain conduit naturellement à les associer au symbole de la croix (figure 4) et à renouer avec les prémices de la philosophie tels qu’on peut les trouver chez Empédocle[5] (env. 490 – env. 430 av. J. C.) pour qui le monde se compose de Terre, d’Air, de Feu et d’Eau et obéit à la haine et à l’amour. L’espace apparaît alors divisé en quatre parties, chacune étant le siège d’un appareil organique particulier. Cette disposition spatiale a l’intérêt de montrer la signification des quatre grandes tendances de l’être humain. En effet, l’oralité vise la conservation de l’individu (fonction de nutrition) et de l’espèce (fonction de reproduction). L’analité tend à la conservation du Tout par la rationalité (cerveau) et le sentiment (cœur). L’urétralité a pour objet la répulsion, l’analyse théorique (cerveau) et le rejet pratique (intestins). Enfin, la génitalité est la source du lien, de l’association corporelle (appareil génital) et affective (cœur).

Correspondances zones érogènes et anatomiques

Nous avons vu que, en vertu de notre propre expérience clinique, les patients en demande de soins psychologiques se répartissent, dans l’espace, en deux catégories majeures, les « droites » et les « gauches » et surtout, que cette répartition n’obéit pas à la différence des sexes organiques mais à ce qui dans leur histoire personnelle relève soit de la féminité soit de la masculinité, entendues dans leur signification symbolique. Il arrive, par exemple, que les patients « intestinaux », à vulnérabilité intestinale, aient été confrontés au cours de leur vie à des rapports conflictuels vis-à-vis des représentants de la masculinité, c’est-à-dire vis-à-vis soit du père, soit du mari, soit du fils, soit de l’école, soit du travail et de l’activité productive. Ainsi, tout patient manifeste à son insu un langage spatial significatif de l’origine historique de sa souffrance et in fine de sa vulnérabilité organique.

Par ailleurs, il est tentant et même nécessaire d’établir des correspondances entre d’une part, les zones érogènes du corps, qu’il faut considérer comme autant de centres organisateurs du fonctionnement des organes et des comportements de l’individu, et d’autre part, les principales parties constitutives du corps humain (figure:5). La partie basse du corps, la région pelvienne peut de la sorte être mise en relation, aussi paradoxal que cela puisse paraître, avec la zone orale et le temps oral du développement. Sa forme anatomique triangulaire la rattache tout naturellement à l’animalité en général (la plupart des animaux ont une tête triangulaire à base supérieure). De fait, elle assure les deux aspects majeurs de l’instinctualité : la conservation de l’individu et la conservation de l’espèce qui sont tributaires de la force agressive pour le premier et de la force sexuelle pour le second. La région abdominale est en correspondance avec la zone érogène orale par son rôle moteur dans la recherche de la nourriture et avec la zone urétrale par son rôle d’élimination d’une partie des déchets de l’organisme. L’étage thoracique participe à la fois de la zone érogène génitale parce qu’elle contribue à donner à la relation amoureuse sa nécessaire dimension associative et sentimentale, et de la zone érogène anale parce qu’elle tend vers une relation unitive. Enfin, la région crânienne obéit également à une double détermination : anale d’un côté par son intervention dans l’intellectualité (on sait l’importance de l’analité à l’origine de la formation des obsessions) et urétrale d’un autre côté par sa fonction éminemment analytique, discriminante et rationnelle (linéaire).

Conclusions

Les considérations qui précèdent veulent montrer qu’il est possible d’accéder à une représentation symbolique du corps humain, aussi bien de son anatomie que de sa physiologie.

Cette représentation est indissociable des deux dimensions fondamentales que sont la verticale et l’horizontale ou plus exactement des deux conceptions primordiales, l’une voulant que les parties du corps s’organisent selon une stratification et une hiérarchisation, l’autre les disposant dans un plan où ces parties du corps ne sont plus hiérarchisées mais coordonnées. Ceci tendrait à montrer que la conception verticale et donc hiérarchisée des étages corporels serait à considérer parallèlement à la conception horizontale où la relation de coordination prend le pas sur la relation de subordination. Dans le premier cas, où la relation verticale prime, c’est l’Être de la personne, à l’instar du tronc principal d’un arbre, qui est en cause ; dans le second, où le primat revient à la coordination, les fonctions organiques interviennent et interagissent sans référence à l’Être. Il faut cependant ajouter que ces notions ne sont pas sans rapport avec la distinction faite au début de ce travail entre connaissance et savoir. En effet, la connaissance est relative à la notion d’être central, à la notion d’une hiérarchisation des fonctions. Elle est progressivement ascendante, suivant en cela le développement psychosexuel de l’individu, passant d’un étage sexuel à un étage intestinal et donc agressif, puis à un étage thoracique et donc sentimental pour s’épanouir à l’étage cérébral et donc intellectuel et spirituel. La connaissance concerne l’axe de l’individu et cet axe central constitue son Être. Une question se pose toutefois : peut-on savoir sans connaître ? qu’est le savoir chez un être dont la connaissance n’a pas atteint son apogée ?

Tout patient véhicule avec lui une histoire psychique, morale et physique qu’il exprime de diverses manières mais toujours dans le cadre de la dualité désir-loi et de la dualité masculin-féminin. Le corps humain n’échappe pas à ces dialectiques et dans le cas du cabinet médical il est manifeste que certains patients signifient au thérapeute que leur souffrance s’origine du côté gauche, alors que les autres montrent que leur souffrance se localise du côté droit. Les uns incriminent les représentants de la féminité ; les autres rendent responsables les représentants de la masculinité. Il apparaît aussi que les organes ont un « tropisme symbolique » dans la mesure où certains d’entre eux présentent une affinité masculine (le cerveau et les intestins) alors que d’autres (le cœur et l’appareil génital) ont une affinité féminine. De sorte que les patients cardiaques, par exemple, ont une relation « conflictuelle » avec leur côté gauche, avec la féminité alors que les patients « neurologiques » ou « intestinaux » sont en conflit avec leur côté droit, avec la masculinité.

Les deux côtés principaux de l’espace, la droite et la gauche (figure : 5), possèdent donc des vertus que tout être humain exprime couramment et à son insu. L’acuité de la bipartition latérale de l’espace est telle qu’elle est utilisée dans les rites religieux, dans l’architecture des édifices religieux ; elle est évidente dans la philosophie de la Franc-maçonnerie. Il va de soi, naturellement, que l’autre dualité, la dualité ontologique entre le désir et la Loi, agit également au sein de ces manifestations religieuses ; elle en forme d’ailleurs la trame essentielle, le Ciel étant toujours considéré par la religion comme le lieu éminent qu’il faut atteindre en s’efforçant de réprimer ses désirs (figure : 6).

Enfin, il faut également rappeler l’importance capitale de la structure inconsciente de l’être humain. L’inconscient est enraciné dans le corps et se focalise en quatre zones fondamentales qui apparaissent comme autant de sources de sensibilité, d’activité et de pensée. 

La zone orale, première dans le temps à se manifester, est à l’origine des activités de conservation de soi et de conservation de l’espèce ; toutes les actions humaines visant à l’accroissement de la production (agricole, industrielle) et à l’accroissement de la reproduction (multiplication démographique) trouvent leur source dans l’oralité (dans la libido orale). 

La zone anale, asservie au sphincter rectal et dont le caractère érotique spécifique est l’action de rétention, pousse l’être à la conservation du Tout, au respect d’autrui et de la Nature, par l’investissement libidinal du cerveau (exercice de la raison) et de l’affectivité (affection).

La zone urétrale se définit par la tendance à la répulsion, à l’éloignement, à la discrimination, à l’analyse ; elle est spécifiquement à l’origine de l’étude philosophique dont le but est la recherche de la vérité, et de l’activité productive dont le but est la production des biens utiles à la conservation de la vie.

Enfin, la zone génitale emploie les appareils de l’amour, appareil génital et appareil cardio-vasculaire dont la fonction est d’établir une liaison avec tous les organes par l’intermédiaire du sang. La libido génitale est la source universelle de la multiplication et de l’association des êtres humains en familles, communautés et nations.

[1] J. Lacan. Écrits I et II. Paris. Seuil. 1966. (289 p et 244 p.)

[2] S. Freud. Interprétation des rêves. Paris. PUF. 1967. 573 p.

[3] S. Freud. La vie sexuelle. Paris. PUF. 1969. 159 p.

[4] K. Abraham. Œuvres complètes. T 1 et 2. Paris. Payot.1973. (298 p. et 362 p.)

[5] Diogène Laërce. Vie, doctrine et sentences des philosophes illustres. Tomes I et II. Paris. GF-Flammarion. 1965. (314 p. et 310 p.)

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Salvator CINQUE

Initié en 1972, à "Ère Nouvelle", Or...de Montpellier. Un passage aux "Amis Solidaires", Or...de Meaux. Actuellement, en sommeil, mais l'initiation poursuit son oeuvre. Des livres publiés, dont un "Cours de symbolique générale" et un "Essai d'interprétation de l'ordre symbolique humain."

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