ArticlesLes francs-maçons célèbres

Le F ∴ Kipling

J’ai souhaité vous parler non pas de Rudyard Kipling l’écrivain britannique prix nobel de littérature en 1907 mais du frère et de l’importance qu’aura pris la franc-maçonnerie dans ses écris.

C’est le 5 avril 1886 et alors qu’il n’était pas encore majeur que Rudyard Kipling est initié au sein de la loge Espoir et persévérance n*782 à l’Orient de Lahore en Inde. Il écrira d’ailleurs au sujet de son intégration dans cette loge «je fus initié parce que la loge avait besoin d’un bon secrétaire ; mais je ne le fus pas, j’ai quand même aidé mes FF∴ surtout par mon père qui, en tant qu’artiste, décora les murs du temple avec les légendes du Roi Salomon. Là, je fis la connaissance d’autres hommes avec d’autres conceptions philosophiques ».

Lors de la tenue suivante il est élevé au second degré et à la Maitrise six mois plutard. Il ne faut pas s’en étonner car c’était autrefois une pratique très courante. Au XVIIIème, on pouvait recevoir tous les grades le même soir.

Kipling prend pour marque un ‘K’ (une perpendiculaire à laquelle est acollée une equerre). Il décrit son entrée en maçonnerie dans un texte avec amusement «je suis rentré en maçonnerie présenté par un Indou, initié au second degré par un mahométan, au troisième degré par un anglais et notre tuileur était un juif indien». Cette période va le marquer profondément. Les liens fraternels qu’il devait avoir avec des FF∴ de toutes race, de toute croyance allaient lui permettre de développer sa conception de l’amour fraternel et toute son œuvre sera consacrée au dogme maçonnique : croire en l’homme et à son amélioration.

Henri Carr a écrit à son sujet : «tout son amour pour la maçonnerie figure dans ses écrits, il était un créateur de l’image humaine, son tempérament l’empêchait d’apprendre son rituel par cœur mais il aurait défendu avec autant de fougue le plus pauvre de tous aussi bien que le plus riche ; il adorait l’homme et par-dessus tout l’être humain sans aucun préjugé de race, de croyance, de nationalité, tout ceci pour lui n’avait aucune importance ; la maçonnerie pour lui devait être pratique, elle devait amener les hommes à se rapprocher. Et au travers de ses ouvrages, il aimait par-dessus tout faire comprendre l’esprit spirituel le sens initiatique de l’ordre.».

En 1889 Kipling quitte l’Inde. De retour en Occident il participera à la création de loges en France en 1922 , la Loge les Bâtisseurs des Cités Silencieuses N*12 puis en Angleterre en 1925.

En outre, il rencontrera en Afrique du Sud Baden Powell avec qui il va concrétiser les théories maçonniques en les mettant au service de la jeunesse afin de l’aider à s’épanouir et de la préparer à devenir des hommes respectueux de l’effort, de la fraternité, du don de soi et de l’amour du prochain, le tout à la gloire de Dieu en co-créant les Scouts.

Que ce soit dans L’homme qui voulut être Roi ou plus encore dans Le livre de la Jungle, Kipling adresse une lecture maçonnique cachée.

Le livre L’homme qui voulut être Roi est une véritable mise en garde contre l’attrait qu’à l’homme pour les métaux dont nous devons chaque jour apprendre à nous débarrasser en travaillant sur notre pierre brute. Dans ce roman, Dravot, comme le roi Salomon, va rendre la justice avec sagesse. Mais l’orgueil reprendra vite ses droits ce qui lui coûtera sa couronne et sa vie.

Dans le livre de la jungle, Kipling présente le chemin initiatique permettant à l’homme de devenir Homme. Chaque animal va incarner une vertu et un idéal à imiter pour le jeune Mowgli. Tout au long de ce roman, Kipling y note une phrase forte de symbolisme : «nous sommes du même sang». Ce sont ici les questions d’égalité et de fraternité qui sont ici abordées.

La jungle est l’incarnation de la nature à l’état sauvage, lieu d’épreuves et d’aventure où l’individu est confronté aux forces de la natures. Elle est le lieu de rencontre avec soi-même, avec sa propre peur à dépasser les évènements. Elle est, dans tous les cas, un lieu de transition vers un autre état. Tout comme le labyrinthe, elle est le symbole de toute quête initiatique –. En franchissant son seuil, l’homme se trouve à l’orée de son destin.

Kipling également a également beaucoup écrit de détails ou d’allusions sur le symbolisme maçonnique dans ses oeuvres. Les plus connues sont “Ma pierre cubique”, “Le testatment de l’initié “ou bien le poeme “If / Si ; tu seras un homme mon fils” qui en est le plus beau et touchant exemple.

Également de manière plus documentaire dans “Dans l’intérêt des frères” qui a le mérite de décrire avec une rare précision les aspects du rite anglais de style émulation et de démontrer toute l’importance qu’apportait Kipling au rituel.

Si notre frère Rudyard Kipling est décédé à Londres en janvier 1936 , j’aimerai refermer cette lecture en vous laissant découvrir au travers du poème “La loge mère”, toute la tendresse qu’il avait en repensant à ses années maçonniques d’expatrié.

La loge mère

Rudyard KIPLING Il y avait Rundle, le chef de station,
Beazeley, des voies et travaux,
Ackman, de l’intendance,
Dankin, de la prison,
Et Blake, le sergent instructeur,
Qui fut deux fois notre Vénérable,
Et aussi le vieux Franjee Eduljee
Qui tenait le magasin «Aux denrées Européennes». Dehors, on se disait : «Sergent, Monsieur, Salut, Salam».
Dedans c’était : «Mon frère», et c’était très bien ainsi.
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.
Moi, j’étais second diacre dans ma Loge-mère, là-bas ! Il y avait encore Bola Nath, le comptable,
Saül, le juif d’Aden,
Din Mohamed, du bureau du cadastre,
Le sieur Chucherbutty,
Amir Singh le Sikh,
Et Castro, des ateliers de réparation,
Le Catholique romain. Nos décors n’étaient pas riches,
Notre Temple était vieux et dénudé,
Mais nous connaissions les anciens Landmarks
Et les observions scrupuleusement.
Quand je jette un regard en arrière,
Cette pensée, souvent me vient à l’esprit :
« Au fond il n y a pas d’incrédules
Si ce n’est peut-être nous-mêmes ! Car, tous les mois, après la tenue,
Nous nous réunissions pour fumer.
Nous n’osions pas faire de banquets
De peur d’enfreindre la règle de caste de certains frères.
Et nous causions à cœur ouvert de religion et d’autres choses,
Chacun de nous se rapportant
Au Dieu qu’il connaissait le mieux.
L’un après l’autre, les frères prenaient la parole
Et aucun ne s’agitait.
L’on se séparait à l’aurore, quand s’éveillaient les perroquets
Et le maudit oiseau porte-fièvre ; Comme après tant de paroles
Nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes. Bien souvent depuis lors,
Mes pas errant au service du Gouvernement,
Ont porté le salut fraternel
De l’orient à l’Occident,
Comme cela nous est recommandé,
De Kohel à Singapour
Mais combien je voudrais les revoir tous
Ceux de la Loge-Mère, là-bas ! Comme je voudrais les revoir,
Mes frères noirs et bruns,
Et sentir le parfum des cigares indigènes
Pendant que circule l’allumeur,
Et que le vieux limonadier
Ronfle sur le plancher de l’office.
Et me retrouver parfait Maçon
Une fois encore dans ma Loge d’autrefois. Dehors, on se disait : «Sergent, Monsieur, Salut, Salam».
Dedans c’était : «Mon frère», et c’était très bien ainsi.
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.
Moi, j’étais second diacre dans ma Loge-mère, là-bas !

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Alexis AT

Français expatrié à Moscou *** Grand Inspecteur National en charge du développement Europe de l'Est @ GLTF

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