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Le franc-maçon “homme libre” est-il seul maître de ses actes ?

C’est une rengaine que beaucoup de frères et de sœurs partagent régulièrement à qui souhaite l’entendre : “je suis un homme libre”, sous-entendu, je peux dire et faire ce que je désire. Mais posons-nous aujourd’hui la question, finalement le franc-maçon est-il un homme libre et d’ailleurs que signifie vraiment cette expression ?

Pour répondre à cette seconde interrogation, il faut remettre l’expression dans son contexte historique. 

La question de l’homme libre (également ami du pauvre et du riche s’ils sont vertueux) dans ce début de XVIIIème siècle est à considérer sous deux prismes.

Dans un premier temps non pas au sens de la liberté de pensée, de conscience ou de religion qui n’arrivera en France comme aux États-Unis d’Amérique qu’en 1789 mais bien dans l’indication que la personne qui aspire à devenir maçon n’est ni l’esclave ni le serf d’un autre. Il est à rappeler que l’abolition du servage et de l’esclavagisme n’apparaît en France qu’à partir de 1794 et en 1833 seulement au Royaume-Uni ! 

Ainsi donc, cette notion de liberté est à considérer comme sur notre devise nationale (qui est également l’acclamation au REAA) sous l’angle de la liberté physique (notion de propriété) et non pas intellectuelle.

Le second angle pour définir cette expression en franc-maçonnerie de “l’homme libre” est la continuité de la première et qui plus est pour le coup est purement matérialiste. L’homme qui frappe à la porte du Temple est-il libre “économiquement” ? A-t’-il l’autonomie financière pour participer au développement de notre Ordre sans en pénaliser son foyer ? Et c’est-là une considération capitale dans la compréhension de la question de “l’homme libre”. S’il n’est le serf ou la propriété de personne, son devoir est donc par son activité professionnelle de subvenir aux besoins de son foyer en priorité, puis la tâche assumée, de pouvoir alors s’engager en franc-maçonnerie, au sein de son Obédience, de sa loge mais également des actions de l’hospitalier.

Cette question est d’ailleurs si centrale qu’elle est abordée lors des entretiens profanes puis reposée à l’impétrant lors de son initiation “Cette Charité que je vous recommande cesse d’être une vertu lorsqu’elle est faite au préjudice de devoirs plus sacrés et plus pressants ; des engagements civils à remplir, une famille à entretenir, des enfants à élever, des parents peu favorisés de la fortune à soulager, voilà les premiers devoirs que la nature nous impose, voilà les créanciers de tout homme qui règle sa conduite sur les principes de l’équité. Que penseriezvous de celui qui voudrait paraître charitable avant de les avoir satisfaits ? “.

Enfin, au-delà de la question contextuelle, il faut aussi ici aborder l’importance linguistique. La Franc-Maçonnerie prenant source au Royaume-Uni, il faut donc considérer l’anglais comme langue d’origine de grande partie de nos mots et expressions maçonniques. Ainsi le terme free s’il se traduit par “libre” en français, désigne également une absence de quelque chose (ex : sugar free , gluten free etc …) et c’est justement la question pour “freemason” qui ne désigne pas que le maçon est “libre” mais bien qu’il est “sans” en l’occurrence savoir opératif de tailleur de pierres. Ainsi donc cette subtilité linguistique renforce bien la notion première évoquée à savoir d’absence de vassalité. 

Si donc le franc-maçon est un homme libre au sens que nous venons de le définir, l’est-il également dans son engagement maçonnique et dans sa pratique ?

Cette fois encore, force est de constater que la réalité est en fait moins certaine que le Franc-Maçon voudrait s’en convaincre. Le Rituel répond à nouveau à cette question avec clarté alors même que le candidat n’est pas encore reçu maçon et alors qu’il se présente devant le Vénérable Maître et les frères de la loge qu’il s’apprête à rejoindre. Il reçoit alors comme premières paroles “Monsieur, les premières qualités que nous exigeons pour être admis parmi nous, et sans lesquelles on ne peut être initié à nos mystères, sont : la plus grande sincérité, une docilité absolue et une constance à toute épreuve...”.

“Docilité absolue”, le mot est rude et lâché avec sévérité et autoritarisme. Alors qu’il doit confirmer sa volonté de continuer dans le chemin menant à la lumière, le profane de fait accepte et valide le fait qu’il ne sera pas pleinement autonome dans sa vie au sein de ce collectif extrêmement normé qu’est la Franc-Maçonnerie. Tout comme dans une ruche (symbole maçonnique majeur), ou dans notre vie profane, notre liberté d’actions et d’expression est tout de même restreinte par des règles collectives dont l’affranchissement total implique une marginalisation et une illégalité qui inéluctablement entraîne une mise au banc social ponctuel ou permanent (incarcération).

Juste reçu Maçon, le néophyte entame alors son apprentissage par la perte de la parole. Cette contrainte doit permettre à l’apprenti de s’éveiller par le regard et par l’écoute. D’apprendre à contrôler ses passions et l’impulsivité d’une réponse mal réfléchie, trop hâtive ou sans bonne connaissance globale du sujet. Aussi noble et inspiré soit ce travail (nécessaire) de l’apprentissage maçonnique, il n’en reste pas moins que c’est une forme de privation de liberté.

Pour les frères ayant avancés dans leur parcours maçonnique et ayant été élevés aux Compagnonnage et à la Maîtrise, là encore force est de constater que la pratique en loge comme en agapes (rituéliques) est ordonnée et définie de manière précise et qu’elle ne laisse la capacité à l’homme libre de ne s’épanouir qu’au travers le plein respect du Rite.

Enfin, la question des voyages en est un autre exemple. S’il est un homme libre, le frère d’une Obédience est tout de même tenu à restreindre ses voyages maçonniques qu’aux exclusives loges de son organisation ou bien à celles reconnues par des traités de reconnaissance et/ou d’amitié, faute de quoi le frère prendra le risque d’être exclu. Ainsi donc même si “l’homme est libre” et tous les frères sont égaux, l’adage de Ciceron “chacun s’exerce que dans l’art qu’il connaît” serait de nos jours traduit par chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! 

Alors le franc-maçon, serf des temps modernes ?

Non et trente-trois fois non ! S’il est dans sa pratique effectivement restreint dans ses déplacements ou son expression en loge, le franc-maçon est un homme bel et bien libre au sens de l’explication faite en préambule et de ce fait en pleine conscience, il n’est ni dépendant ni enchaîné à aucune loge ou obédience.

Sa liberté (pleine et entière) est de pouvoir frapper à n’importe quelle porte de Temple et ainsi de s’inscrire dans le collectif ou fraternité qui lui conviendra le mieux. Régulière ou mixte, laïque ou traditionaliste, vouvoyante ou tutoyante, il y a des francs-maçonneries pour tous et l’initié garde à chaque instant la liberté de s’affilier ou s’intégrer au chemin qui lui conviendra le mieux en toute connaissance des règles et particularismes de la structure qu’il rejoint alors. Mais plus encore, le Franc-Maçon possède la liberté de pouvoir arrêter son parcours spirituel à tout instant. Et ce qui peut sembler ici comme une évidence est en fait le plus capital des acquis de l’Homme avec un H majuscule au fil de ces six mille vingt-deux années d’histoire : l’homme n’appartient désormais qu’à lui-même, Il est libre au sens vocable profane mais aussi maçonnique.

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Alexis AT

Français expatrié à Moscou *** Grand Inspecteur National en charge du développement Europe de l'Est @ GLTF

Une réflexion sur “Le franc-maçon “homme libre” est-il seul maître de ses actes ?

  • DJIMTOIDE NANGAR

    bonjour cher administrateur je suis tellement impressionnée par cette activité

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